Voici un bilan de la situation économique de la France en avril 1789, selon le rapport des intendants.
L'économie française est dans une passe difficile. L'on impute la responsabilité de la CRISE qu'elle traverse à l'application du traité de libre-échange signé en 1786 entre la France et l'Angleterre. Plusieurs traités de commerce et de navigation ont en effet été signé entre la France et les États-Unis, l'Angleterre, la Suède, plusieurs pays baltiques. Ces traités ont en commun d'élargir les échanges et d'abaisser les barrières douanières, ouvrant une brèche dans le système mercantiliste qui règle strictement les rapports entre les économies nationales. Ce traité qu'on appelle Eden, du nom du négociateur britannique, a une mauvaise presse en France où industriels et commerçants lui font porter la responsabilité de leur marasme.
D'autre part, la France a la hantise des disettes. Le souvenir des famines précédentes est encore fort et le peuple appréhende leur retour. La menace chronique d'une pénurie place la faim comme étant le premier problème du gouvernement et une préoccupation constante des individus. À la fin du règne de Louis XV, on a parlé d'un pacte de famine, la population s'imaginant que le gouvernement avait partie liée avec les accapareurs pour restreindre la production et entraîner le renchérissement des prix. Les disettes sont d'autant plus à craindre que la population s'est accrue rapidement, plus vite que la production des céréales.
La crise est accentuée par la mauvaise récolte de 1788. Année humide avec de gros orages en juillet qui ont ravager les récoltes en Normandie, en Champagne et en Flandres. Un quart de la production a été perdue dans certaines régions. L'hiver de 1788-1789 a été rigoureux. La récolte de 1789 s'annonce médiocre.
La récolte de la soie en 1787 a été désastreuse. De plus une crise de la laine en rapport avec de mauvaises rentrées de fourrage et la concurrence anglaise ont ébranlée l'industrie du textile. Pour l'année 1788, l'inspecteur du commerce a signalé plus de 200 000 chômeurs. En Champagne la moitié des métiers sont arrêtés. Même proportion pour la soierie lyonnaise et dans le centre normands. Au début de 1789, il y a 12 000 chômeurs à Abbeville, près de 20 000 à Lyon. Partout la baisse des salaires est rude. La mendicité et le vagabondage s'étendent. Des troubles éclatent un peu partout, de la Provence à la Bourgogne, de la Bretagne à l'Alsace. Les paysans et les ouvriers pillent les greniers, arrêtent le transport des grains, menacent les seigneurs qui réclament leurs redevances