Eglise Saint-Sulpice

Le député du clergé de Saumur arrive en fait à Paris, après un long voyage. Muni d'une lettre de sa protectrice l'abbesse de Fontevraud, Julie-Gillette de Pardaillan d'Antin, Jean Thiberge se présente devant l'église Saint-Sulpice de Paris et demande à voir le prêtre Antoine Garnier.

Après un court échange de politesses, Jean Thiberge présente la lettre. Antoine Garnier la lit rapidement.

Très bien ! Je vois que nous avons des amis communs !

Oui et je m'en réjouis car ce sont ces amis à qui je dois mon élection et votre hospitalité

Il va de soit que vous pouvez vous installer chez moi. Vous pourrez ainsi profiter d'un peu de repos et de calme après les moments intenses que vous vivrez à Versailles.

Parfait, je vous remercie. Je vais donc prendre possession de la chambre que vous m'offrez mais avant tout je désire me recueillir un peu car je dois partir aussitôt après pour Versailles afin de déposer le cahier de doléances de ma paroisse.

Tout en parlant, Jean Thiberge s'agenouille puis, sa phrase terminée, commence une longue prière en latin.

La porte de l’église s’ouvrit brusquement. Un homme pénètra dans l’église et diriga vers le prêtre. L’inconnu se jetta à genoux et dit :

- Mon père… sauvez moi ! Je ne veux pas finir à la Bastille…

Thiberge se retourne, le visage courroucé d'avoir été interrompu dans sa prière

Que veux tu ? Qui es tu ?

Tu entres dans la maison de Dieu en hurlant mais qui t'en donnes le droit !

Pourquoi parles tu de la Bastille ? Tu es poursuivi ?

L’inconnu est toujours à genoux et il s’adresse au prêtre la tête baissée.

- On me nomme Legardeur. Je suis rédacteur et journalise au Clairon des Faubourgs.

Le journaliste fait un signe de la croix.

- Les sbires de la reine me poursuivent. Je ne veux pas finir ma vie à la Bastille. On m’accuse d’avoir dit la vérité, toute la vérité, juste la vérité. Sauvez-moi, mon père ! Sinon je suis perdu.

Un journaliste ! Un de ses manants proférant des pseudo-vérités sur je ne sais quelle liberté ? Un admirateur des philosophes peut être ?

Et tu crois que moi, membre de la Sainte Eglise Romaine et Apostolique, je vais protéger un journaliste attaque la Foi ?

Alors es-tu un de ces journalistes ?

Legardeur fait un nouveau signe de croix.

- Oui ! Je suis bien un de ses journalistes et j'en appelle à la grande miséricorde de notre Sainte Église. Cachez-moi mon père ! Sauvez-moi de mes ennemis ! Je me repends de mes fautes... Je veux être entendu en confession et obtenir le pardon de mes péchés.

Quelques soient tes fautes, je dois t'entendre en confession, c'est mon devoir de chrétien.

Restons donc dans cette église, tu y es en sécurité tant que je n'autorise tes poursuivants à t'attraper.

Lui indiquant un confessional

Le temps n'appartient qu'à Dieu, tâchons de ne pas en abuser et de ne pas le gaspiller ! Alors confesses toi maintenant.

Legardeur s’agenouille à nouveau et fait son signe de croix. Il commence sa confession.

Bénissez-moi mon Père, parce que j’ai péché.

Je confesse à dieu tout puissant, à la bienheureuse Marie toujours Vierge, à Saint-Michel Archange, à Saint-Jean-Baptiste, aux saints apôtres Pierre et Paul, à tous les Saints, et à vous mon Père, que j’ai beaucoup péché par pensées, par paroles et par actions.

Il y a une semaine que je ne me suis pas confessé. J’ai fait ma pénitence et reçu l’absolution.

J’ai blasphémé : 15 fois.
Je suis arrivé en retard à la messe : 1 fois.
J’ai été jaloux et j’ai souhaité du mal à autrui : 13 fois.
J’ai dit des paroles et fait des actions contraire à la belle vertu de pureté seul ou avec d’autres : 15 fois.
J’ai menti : 1 fois.
J’ai entretenu de mauvaises pensées et écouté avec plaisir des conversations immodeste : 2 fois.
Je me suis plu en mauvaises compagnies : 10 fois… non 12 fois.

Je m’accuse de tous les péchés dont je ne me souviens pas et de tous ceux de ma vie passée. J’en demande pardon à Dieu et à vous, mon Père : pénitence et absolution si vous m’en jugez digne.

Legardeur s’incline et se frappe trois fois la poitrine en disant :

C’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute. C’es pourquoi je supplie la bienheureuse Marie toujours Vierge, saint-Michel Archange, Saint-Jean-Baptiste, les saints apôtres Pierre et Paul, et tous les Saints, et vous mon Père, de prier pour moi, le seigneur notre Dieu.

Mais tu ne crois pas qu'il suffit de cela pour obtenir mon absolution !!
Obtenir le pardon de ses péchés nécessite un travail important sur soi. Alors quels blasphèmes ? Quel mensonge ? Quelles paroles ?

Si tu fais pas une confession véritable, c'est que tu n'y crois pas. Je serai donc logiquement amené à me poser des questions sur ta foi et devrai te livrer à tes poursuivants.

Alors confesse toi complètement.

Legardeur lève la tête et il se met à réciter l’acte de foi.

Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous enseignez dans votre Église, parce que c‘est vous, la vérité même, qui les lui avez révélées et que vous ne pouvez ni vouz tromper, ni nous tromper.

Puis Legardeur ayant terminé sa prière ajoute :

Je sais mon Père que le péché nous brouille avec le bon Dieu. Il nous éloigne du ciel et nous met sur le chemin de l’enfer. Notre Seigneur a institué le sacrement de pénitence, pour nous réconcilier avec lui et nous obtenir la grâce sanctifiante si nous avons eu le malheur de la perdre par le péché mortel.

Mon Père j’ai confessé tous mes péchés. Pour obtenir l’absolution est-ce que je dois mentir et m’accuser de fautes que je n’ai pas commises ? La justice de hommes me poursuit pour une affaire qui ne relève pas de notre sainte religion Catholique. Je suis persécutée par les agents de la reine Marie-Antoinette, une Autrichienne, qui a accepté qu’un protestant, Necker, soit nommé directeur général des finances. J’ai publié dans mon journal le Clairon de Faubourgs une lettre que madame déficit a transmise à son frère l’Empereur. Dans cette lettre, elle y dénonce les états généraux. J’ai ici une copie de cette lettre qui m’a été remise par mon ami Berthier.

Legardeur sort un document et le remet au prêtre. Le document est froissé et tout chiffoné.

Thiberge lit attentivement la lettre

On te poursuit pour cette lettre ? Je comprends ! Je ferai de même si j'en étais l'auteur.

Thiberge regarde la lettre une nouvelle fois puis legardeur

Tu as raison, il s'agit d'une affaire qui concerne les hommes mais aussi Dieu ! Car il est question du roi, de notre Bien Aimé Roi, lieutenant de Dieu sur Terre ! Cela concerne donc l'Eglise !

Mon fils, je t'absous de tes pêchés.

Tout en aidant Legardeur à se relever, Thiberge enfouit la lettre dans son habit

Bien, pensons à toi maintenant. Je pense que les hommes qui te poursuivent vont trouver ta trace dans peu de temps. Tu es sous la protection de l'Eglise, tu es dans un enclos sacré, mais on ne sait jamais avec ces philosophes, certains ne respectent plus rien.

Réfugie toi dans la sacristie et restes y. Je m'occupe du reste.

En disant, ces mots, Thiberge se dirige vers la corde du gros bourdon et commence à l'actionner, faisant sonner les cloches

Les fidèles arrivent peu à peu.

L'Église est déjà à moitié remplie.

Robespierre et les députés de l'Artois ont pris place dans les premiers bancs.

Fournier et d'autres individus qui semblent être avec lui se tiennent debout près du confessionnal.

Legardeur s'est retiré dans la sacristie.

DING ! Dong !

HJ : petite précision. Ya t-il beaucoup de femmes dans l'assistance ? Voit-on lesmouchards de la police ? Y a t-il les poursuivants de Legardeur ?]

Thiberge a arrêté de faire sonner, regarde la foule et monte en chaire pour s'adresser à elle

Comme souvent dans ces circontances, l'assistance est composée d'une bonne partie de femmes. Celles-ci sont en effet plus assidues que les hommes aux cérémonies religieuses.

Thiberge constate que tous les participants sont habillés en civil. Il est possible que des mouchards soient cachés parmi la foule, mais il n'y a pas d'évidence.

Il ne semble pas non plus que des agents du roi soient présents.

L'église est maintenant presque remplie. Il y a des gens de tout âge, du jeune enfant jusqu'au veillard.

Monté en chaire, Thiberge scrute la foule, prend son souffle puis démarre son discours

Mes Enfants

Il n'est pas habituel de sonner à cette heure et votre présence prouve votre inquiétude. Alors pourquoi ais-je voulu vous réunir ?

Je viens d'une province où l'Eglise est une institution sacrée, où l'Eglise demeure le refuge du Pauvre et du Poursuivi. Dans cette province, mon église, ma pauvre petite église est un bâtiment sacré, un asile respecté par tous.

Or, à peine arrivé à Paris, je constate que ce n'est pas le cas ici ! Un homme est venu demander la protection de Dieu et je lui ai accordé. Un homme poursuivi par la police, dont certains membres sont parmi nous. Peu importe, les fautes de cet homme, je l'ai entendu en confession et n'a commis aucune faute envers Notre SAinte Eglise, je lui ai donc assuré de ma protection.

Alors je vous pose la question, [il appuie son regard sur les femmes de l'assistance] L'Eglise dispose t elle du même prestige à Paris ? L'Eglise est elle respectée à Paris ? Les Parisiens sont ils encore les Enfants fidèles de l'Eglise Romaine ?

Si oui, alors messieurs les mouches, sortez car l'homme poursuivi est sous la protection de l'Eglise et l'assemblée des paroissiens l'a accepté.

Si non, alors messieurs les mouches, saisissez vous de l'homme que vous cherchez. Mais dans ce cas, vous aurez tous commis un crime contre l'Eglise, vous serez tous complices des hérétiques et je ne rien pour votre Salut.Se tait et regarde l'assistance

Mouvements divers dans l’assistance des fidèles.

On chuchote :

- Comme ce prêtre parle bien…
- C’est un Saint…
- Mais qui est cet homme et de quel crime l’accuse t’on ?
- Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux.

Deux hommes vêtus d’habits sombres sortent de l’église.

L’homme à la face livide et sinistre s’adresse à ses compagnons :
- Ce prêtre ne manque pas d’audace. Cependant, je ne partage pas ces croyances ni ces bondieuseries. Il pourrait faire un martyr tout à fait convenable.

Des policiers en civils encerclent l’église.

Un peu plus loin, le lieutenant général de police et quelques gardes en uniforme sont dissimulés près du couvent des Cordeliers

Mes enfants, sortez et portez la nouvelle, racontez ces événements

Apprenez au monde que l'Eglise n'est pas respectée et que la police menace de profaner un lieu de recueillement.

Thiberge descend alors de sa chaire puis va s'agenouiller devant l'autel et commence à prier

L’église s’est vidée. Les fidèles se sont dispersées, mais certains rodent encore dans les environs.

Un fiacre se présente devant l’Église et un individu en descend.

La pluie a commencée à tomber.

Le cocher se précipite pour ouvrir la porte de l’Église.

Un individu pénètre dans l’Église de Saint-Sulpice.

Il est vêtu d’un costume ecclésiastique violet. Il porte autour du cou une croix pectorale.
Il s’avance vers l’étrange bénitier, œuvre du sculteur Jean-Baptiste Pigalle. Il plonge ses doigts dans l’eau bénite et il fait le signe de la croix.

Puis il se dirige vers l’autel en boitillant. Il s’adresse alors à Thibierge qui est toujours plongé dans sa prière.

- C’est vous le prêtre qui fait sonner les cloches de Saint-Sulpice pour des peccadilles. Je suis Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autum.

Il tend à Thiberge, selon la coutume de l’église, sa bague à baiser et il dit en latin :

- Júdica me, Deus, et discérne causam meam de gente non sancta : ab hómine iniquo et dolóso érue me.

(Traduction : Jugez-moi, ô mon Dieu, et séparez ma cause des impies; délivrez-moi de l’homme injuste et trompeur.)

Puis, Talleyrand jette un regard vers l’autel et les grandes orgues comme quelqu’un qui revient chez lui après une longue absence.

- En 1769, j’ai fait mes études ici au séminaire de Saint-Sulpice.

Il ajoute ensuite d’un ton plus dur :

- Qu’est-ce que vous avez à dire pour votre défense Jean Thiberge, prêtre de Blou ?

Respectueusement, Thiberge embrasse la bague épiscopale

Monseigneur, ma défense ? Tout ce que je viens de faire n'a pour but que de faire respecter l'asile sacré et divin qu'est cette église.

- Orgeuil, mon Fils ! Funeste orgeuil ! Selon vous, mon Fils, est-ce que Dieu est incapable de faire respecter lui-même l’asile sacré de cette église ?…

Juste à ce moment un coup de tonnerre éclate, la pluie redouble d’intensité.

- Dans l’Évangile de Saint-Matthieu V-10, Jésus a dit : Deux moineaux ne se vendent-ils pas un as ? Pourtant il n’en tombent un à terre sans la permission de votre Père.

Puis Talleyrand joint les mains.

- Qui fecit caelum et terram ?

(Traduction : Qui a fait le ciel et la terre ?)

À ce moment, la pluie a obligée un petit groupe d’hommes à trouver refuge dans l’Église. Parmi eux Fournier l’amériçain. Leurs habits sont mouillés et ils prennent place au fond de l’église près de la porte. Talleyrand semble indisposer par l’arrivée de ces intrus.

- Mon fils, je dois vous entendre en confession. Vous avez sans doute des choses à me dire et à m’expliquer.

L’évêque d’Autum se dirige en boitillant vers le confessionnal

Thiberge suit l'évêque d'Autun et s'installe dans le confessionnal.

Un homme poursuivit, demandant l'asile de l'Eglise est venu à moi. Que devais-je faire ? Lui refuser l'assistance de Dieu, le renvoyer ?

Je n'ai pas commis le péché d'orgueil car je n'ai fait que suivre les devoirs de tout bon pasteur lorsqu'une brebis égaré s'approche de lui. Cet homme m'a dit être poursuivi par la police du ministre Necker. Il est dans la sacristie, si vous voulez discuter avec lui, je peux vous conduire à lui.

- Ah ! Je vois quant même beaucoup d’orgueil en vous mon fils.

- Nous allons donc réciter ensemble l’acte d’humilité :
- Jésus, je vous ai déjà offensé souvent. J’en ai un profond regret. Je vous demande pardon. Je vais faire de mon mieux pour ne plus vous offenser, et pour éviter toutes les occasions de péché. Je ne suis pas digne de vous recevoir, mais dites seulement une parole et mon âme sera guérie.

- Pour le pardon de votre péché d’orgueil, mon fils, vous réciterez trois chapelets par jour jusqu’à votre prochaine confession. Je vous donne l’absolution de vos péchés.

Talleyrand fait le signe de la croix.

- Pour en revenir à votre fugitif, Non, je ne veux pas le rencontrer, mais expliquez moi seulement pour quelles raisons il ne doit pas être remis à la justice du roi.